
Date de sortie : 2010
Réalisateur : Guillaume Canet
Producteurs : Alain Attal
Sociétés de production : Les Productions du Trésor, EuropaCorp, M6 Films et France 3 Cinéma
Principaux comédiens : François Cluzet, Benoît Magimel, Gilles Lellouche, Marion Cotillard, Jean Dujardin
Note présence tabac à l’écran : **** Note suggestivité/toxicité : *****
Histoire – Un groupe d’amis voit l’un des siens (Ludo/Jean Dujardin) frappé par un terrible accident de la route. Ils décident néanmoins de partir en vacances tel qu’ils l’avaient prévu initialement, accablés malgré tout par l’état de celui que l’on devine être l’un des piliers du groupe. Deux semaines de « vivre ensemble » qui sont l’occasion pour le réalisateur Guillaume Canet de dresser, sur le mode chorale, une peinture sensible, drôle et émouvante de l’amitié, et une galerie de portraits tous plus justes les uns que les autres.
Présence tabac – Omniprésente tout au long du film – sous sa forme licite et illicite, la cigarette apparait entre les mains de Jean Dujardin dès la première scène du film alors qu’il sort de boite après une nuit manifestement très arrosée. Elle ne lui porte d’ailleurs pas bonheur puisqu’il meurt quelques instants plus tard. La cigarette du condamné en quelque sorte.
Message subliminal – La cigarette est présentée ici comme une composante normale et naturelle de la vie sociale, un élément qui serait comme indissociable des bons moments passés entre amis. Les protagonistes du film étant des quadras, le message envoyé au jeune public – cible prioritaire du lobby du tabac – est simple : les adultes qui ont une vie sociale, des amis, de l’argent, ne se privent pas de fumer, bien au contraire. Message sous-jacent : qu’attendez-vous pour en faire autant ? Fumer, c’est cool…
Réalité – Si la dimension conviviale du tabac, et le fait qu’il constitue une composante « normale » de la vie d’adulte, fait partie des grands clichés que véhicule à coups de millions de dollars cette industrie mortifère, force est de constater que la cigarette a surtout pour caractéristique de décimer familles et groupes d’amis ce qui, à tout bien considéré, n’a rien de convivial. Voir agoniser un ami dans la force de l’âge dans les douleurs atroces d’un cancer du poumon en phase terminale n’a, jusqu’à preuve du contraire, rien de festif. Dans le film Jean Dujardin meurt dans un accident de la route. La vérité est que, statistiquement, ses chances de mourir d’un cancer dû au tabac étaient en réalité 15 fois plus élevées : accidents de la route : 4.000 par an ; tabac : 60.000 morts.
Conclusion – Gros succès populaire de l’année 2010, et plutôt bien accueilli par la critique qui l’a parfois comparé, non sans raison, aux films de Claude Sautet, Les Petits Mouchoirs fait partie de ces belles réussites dont pourrait s’enorgueillir le cinéma français. « Pourrait », car au-delà du joli film chorale, Les Petits Mouchoirs est surtout le prétexte à une ahurissante propagande pro-tabac à laquelle Guillaume Canet convie la fine fleur du cinéma hexagonal : Jean Dujardin, Marion Cotillard, François Cluzet, Gilles Lellouche, Benoît Magimel… Autant de comédiens magnifiques mais dont le talent se trouve totalement dévoyé dès lors qu’il est mis au service d’une industrie directement responsable de la mort de plus de 60.000 personnes chaque année en France. Arrivé à un tel niveau, il ne s’agit plus de « placement produit » dans un film (placement au demeurant interdit depuis… 1991 et l’entrée en vigueur de la loi Evin), mais d’un véritable clip publicitaire en faveur de la cigarette, véritable star du film. Dans un pays où toute publicité ou propagande en faveur du tabac est théoriquement interdite, la performance réalisée par Guillaume Canet et son producteur Alain Attal mérite donc indiscutablement d’être saluée. Avec 5.5 millions d’entrées France, la simple logique comptable permet d’estimer à plusieurs milliers les jeunes français qui devront tout ou partie de leur fin tragique à ce joli film qui contribue très efficacement à dédramatiser les dangers du tabac et à décrédibiliser les campagnes de prévention. Souhaitons pour Guillaume Canet que le jeu en vaille vraiment la chandelle car, si son talent en tant que réalisateur ne fait pas débat, sa responsabilité en qualité de citoyen pose, elle, clairement question. Force est de constater que l’immense majorité des réalisateurs et des producteurs français s’interdisent de se compromettre avec l’industrie du tabac – conscients, sans doute, qu’ils sont de leur responsabilité à l’endroit du public, ou tout simplement soucieux de respecter la loi – ce qui ne les empêche manifestement pas de monter leurs films, preuve que cela est possible. Gageons que Guillaume Canet, réalisateur important et donc suivi, saura s’inspirer de leur sens moral. Nous regarderons ses prochaines réalisations avec attention, et avec espoir. L’espoir d’une prise de conscience, au delà des seuls considérations financières.